Béatrice Arthus-Bertrand : ne pas se fier aux apparences


Béatrice Arthus-Bertrand
"Burkas", 2006-2007.
In situ : les Murs de la Tuillière,
Saint-Marcellin-les-Vaison.

C’est à Saint-Marcellin-les-Vaison que l’on pourra apprécier cet été les œuvres de Béatrice Arthus-Bertrand et de huit autres artistes, du 10 au 14 juillet.
Elle procède par collectage d’objets naturels et récupération des rebus de notre société : des galets, des bidons, des déchets ménagers, des interrupteurs, des tessons de verre poli, des outils remisés. Elle dit pouvoir passer des journées entières à ramasser tout ce qui l’intéresse et trouve dans cette activité des débuts d’idées. C’est sans doute, plus qu’une manière de travailler, un état, dans lequel elle se sent bien et qu’elle avoue pratiquer depuis l’âge de douze ans, sur les plages bretonnes.
Elle empile, use de la répétition, de la juxtaposition, accumule les objets comme, par exemple, les fourchettes et les brosses à dents pour un luminaire destiné à Jean-Paul Blachère.
Elle a une prédilection pour la verticalité. Des troncs dont la matière brute est adoucie sont érigés en totems. Noircis, couleur mazout, ou brulés, ils sont hérissés de galets enchâssés dans du ciment et forment une colonne vertébrale ou une épine dorsale, soulignant la station debout tandis que les veines du bois deviennent motif. Un leitmotiv dans son œuvre.
On connaît aussi d’elle ses tableaux de galets sensuels, qu’elle a voulu sanctuariser avant leur fin, écœurée par les marées noires que la Bretagne nord a subies. Car derrière ces œuvres esthétiques, se profile une femme engagée et parfois révoltée. Comme tout un chacun, elle s’intéresse au monde qui l’entoure. Elle lit, écoute, regarde et réagit au fil de ses déceptions, de ses révoltes et de ses colères. Il en est ainsi de sa sculpture “Murs bidons”, empilement de géricanes couleur kaki, qu’elle a réalisé en réaction aux murs passés et présents, érigés pour séparer les hommes et qui lui semblent si dérisoires. Ses “burkas” qu’elle présentera aux Murs de la Tuilière durant cinq jours, en sont un autre exemple. Réalisées entre 2006 et 2007, bien avant la proposition de loi, elles sont tout autant un questionnement qu’un positionnement. Affaiblies, exploitées, instrumentées ou incomprises, qui sont ces femmes qu’elle voit déambuler dans les rues de Paris et plus encore de Londres, toujours en groupe, sans doute pour se protéger ? Privées d’identité, elles irritent et présentent une atteinte aux personnes qu’elles croisent. Elles sont représentées dans cette sculpture par cinq troncs façonnés à la tronçonneuse dans un mouvement elliptique suggérant le mouvement de la marche et le balancement de leurs vêtements, puis noircis à l’encre de Chine qui, avec la lumière, leur donne un aspect métallique. Pour aller plus loin dans son questionnement, elle interrogera prochainement une de ces femmes portant la burka. Une démarche qui s’inscrit plus globalement dans une thématique sur la femme qui l’occupe en ce moment. Cette sculpture constitue toutefois un travail un peu à part puisqu’il est plutôt figuratif, ses autres totems ne “représentant” pas un être ou une chose définis. On pourra le vérifier sur place puisque quatre ou cinq d’entre eux seront exposés sur le site ainsi que de plus petites sculptures. Vous pourrez la rencontrer, ainsi que les huit autres artistes, le jour du vernissage et le jour du concert.

Olivia Gazzano, paru dans le n° 25, juillet-août 2010.

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