Attention ! Lâcher de rhino ...

« Ha !! bientôt les R.I.P » (Rencontres Internationales de la Photographie) me suis-je exclamé l’autre jour en voyant les nouveaux programmes fleurir dans les boutiques. Soixante expos à découvrir, de nouvelles images, de nouveaux regards, même ce bon vieux Mick (Jagger) sera de la partie cette année.
Donc durant un bref instant, je me suis réjouie que ma ville délaisse son costume traditionnel pour revêtir son habit culturel. Mais c’était sans compter sur cette angoisse insidieuse qui naissait en moi : « Le safari-photo ». Je sens l’incompréhension poindre à ce stade de votre lecture. Un instant, je développe.
Ce que je nomme « Safari-photo » se déroule durant la première quinzaine d’ouverture des R.I.P. La ville se remplie d’une faune étrange, badgée à l’effigie de l’affiche annuelle (cette cuvée est un rhinocéros rose aux cornes vertes), appareil photo en bandoulière, magazine artistique sous le bras et téléphone dernier cri vissé à l’oreille.
Ce sont les : PRO
Les pros se divisent en plusieurs castes.
« L’argentique baroudeur badgé » repérable de loin à sa veste saharienne, dont les multitudes petites poches contiennent des « cartouches à images ». Armé de la sorte, « l’argentique baroudeur badgé », erre et traque sa proie : l’autochtone ! En bas des maisons, à l’angle du mini-marché de quartier, à la sortie de votre voiture, l’argentique est là, prêt à tirer pointant son arme en mode rafale sur vous, ou votre chien, même votre poisson rouge…
« Le numérique badgé » est plus vicieux, sournois, moins détectable « vestimentairement parlant », il se fond dans la masse, s’assoie aux terrasses des cafés (c’est justement sa posture statique, sa main greffée à un petit appareil photo, le plus souvent camouflée sous la table, qui le rend repérable), et attends sa proie, il guette, épie, scrute et tire… Coriace à éviter celui-là !!!
Il y a aussi, et j’avoue que ce sont mes préférés, les addicts du « shooting de macadam ». Pour les trouver, rien de plus simple, ils sont souvent dans une posture particulière, quatre pattes, tournant autour de 4cm2 de bitume surchauffé en plein milieu d’une route ou d’une rue. Le shooteur de macadam vous fera un signe de la main autoritaire afin que vous arrêtiez votre véhicule le temps qu’il immortalise ce bout d’asphalte…
Comme cette attitude est assez récurrente, je me questionne ; et si le macadam Arlésien était une sorte de terre promise ignorée par ses usagés ???
Les badgés, toutes castes confondues, ont pour doctrine de toujours arborer de manière nonchalante leur « laisser passer ». Vous les croisez dans les soirées, à 1h00 du matin, quand toutes les expos et conférences de la journée sont terminées, un verre à la main, rhinocéros roses à cornes vertes autour du cou comme s’ils étaient nés avec ! Vous finissez même par vous dire : « Mince, je n’aurais pas autant d’assurance avec un rhino en guise de collier !!! ».
Du 3 au 13 Juillet, je vais donc rentrer dans une phase de paranoïa aigue, la peur du flashage intempestif va m’envahir. Mais cette année, c’est juré, on ne m’y reprendra plus, je ne vais donc plus enfiler le premier vêtement qui traîne au pied de mon lit, je n’aurais plus le cheveu hirsute et le regard bovin pour aller acheter ma baguette matinale !!!
Grâce, poses étudiées pour boire mon café en terrasse, démarche aérienne, port de tête remarquable, voilà le quotidien qui m’attend pour ne pas risquer l’horreur photographique. Je vous abandonne donc vite pour m’entraîner.
Les expos de cette 41e édition des R.I.P ?? Je les découvrirais après le 13 Juillet, sereinement, en tongs et cheveux rebelles … J’espère vous y croiser chers lecteurs, mais sans appareil photo !! Par pitié…

Sophie Aubert, paru dans le n° 25, juillet-août 2010
http://www.cpascomdhabitude.com/

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